Défense de l’école publique et de la justice sociale

Conseil municipal du 1er juillet 2024

R-2024-185 Participation aux frais de fonctionnement des écoles privées de Villeurbanne pour l’année scolaire 2023/2024
Intervention commune à l’ensemble des groupes de la majorité par Jonathan Bocquet

Monsieur le maire, chers collègues,

Madame l’adjointe a rappelé l’obligation légale faite aux collectivités de verser aux écoles privées sous contrat un forfait équivalent au coût par élève dans les écoles publiques. Cependant, la loi ne précise pas explicitement les éléments à intégrer et laisse à chaque collectivité le soin d’évaluer ce forfait.

Le protocole d’accord à Villeurbanne ne prévoit pas par exemple la prise en compte de l’inflation, année après année.

Par le passé, nous avons été plusieurs dans cette assemblée à pointer cette anomalie de transfert d’argent public vers des établissements qui font concurrence au service public.

L’année scolaire qui s’achève a mis en lumière le séparatisme scolaire à l’échelle du pays, jusqu’aux commentaires cyniques, provocateurs ou naïfs des ministres de la République.

La Cour des comptes a mis en évidence l’ampleur du financement public des établissements privés sans contrôle (environ aux trois-quarts). En début d’année, un rapport parlementaire transpartisan, tout aussi accablant, a montré la difficulté à connaître les sommes déboursées et leur utilisation précise. L’estimation faite par ce rapport est de 11 milliards d’euros annuels, hors avantages fiscaux, dons et legs sur le patrimoine… au profit de l’école privée.

Tous les rapports nationaux démontrent l’effet de ségrégation. À l’échelle locale, la démonstration de Sonia Tron sur la ségrégation sociale à l’œuvre dans les établissements privés villeurbannais est implacable. Il suffit de comparer les IPS et en l’occurrence les écarts sont éloquents. Contester ce fait devient ridicule.

Nous n’en voudrons jamais à des parents de faire le choix individuel de placer leurs enfants dans des structures qu’ils estiment être les meilleures pour eux. Nous pouvons comprendre ce choix. Mais nous dénoncerons sans relâche un système qui entretient et décuple les inégalités à travers des mécanismes de sélection et de distinction sociale.

J’en suis convaincu, nous sommes tous dans cette assemblée en faveur de l’égalité des chances.

Par conséquent, personne ici ne peut souscrire à un mécanisme qui finance une scolarisation à deux vitesses. C’est de cela dont il s’agit.

Au-delà du principe de cette loi que nous considérons comme inique, c’est son application locale que nous contestons depuis des années. Grâce à une étude poussée, preuve est aujourd’hui faite que nous allons bien au-delà de notre stricte obligation légale. À tel point que le montant actuel du forfait pourrait être attaqué en justice par un contribuable.

La méthode de calcul est obsolète et erronée. Obsolète car elle se base sur une organisation en vigueur entre 2005 et 2008. Erronée car des anomalies apparaissent : la prise en compte d’éléments non mentionnés dans la circulaire, l’intégration d’éléments liés à des frais généraux ou encore la surestimation de la part dévolue à la stricte activité scolaire dans des lignes budgétaires diverses.

Il n’est donc pas étonnant que le forfait villeurbannais soit bien au-dessus de celui des villes de notre strate : 3 fois supérieur à celui de Dijon, plus de 2 fois à celui de Nantes ou 1,6 celui de Grenoble.

Nous en faisons l’hypothèse depuis longtemps mais ce diagnostic a permis d’objectiver la surévaluation du forfait. Il est donc impératif de procéder à un nouveau calcul.

C’est un principe de bonne gestion budgétaire. C’est un principe d’équité. Et c’est une conviction politique que de refuser de favoriser la privatisation de l’Éducation et l’école à 2 vitesses.

Considérant que cela fait plusieurs années que le montant dépasse le versement obligatoire, il était envisageable comme l’ont fait d’autres collectivités de procéder à une rétroactivité. Nous ne souhaitons pas engager cette correction de manière rétroactive.

Nous n’avons pas non plus souhaité engager la correction en milieu d’année, considérant que nous avions une forme d’engagement avec ces structures et leurs bénéficiaires. C’est pourquoi cette délibération prévoit de verser le solde attendu ajusté du nombre effectif d’élèves sans changement du forfait. Nous ne revenons pas dessus cette année.

En revanche il convient désormais de normaliser la situation en se fondant sur l’analyse technique interne, la comparaison avec les autres collectivités ainsi que sur les jurisprudences.

C’est pourquoi nous nous réjouissons de voir notre collectivité ouvrir une stratégie en plusieurs étapes avec les établissements privés sous contrat afin de les accompagner dans la nouvelle configuration : c’est-à-dire une normalisation du budget versé, ce qui se traduira par une baisse substantielle du forfait.

C’est le retour à une relation plus équitable et plus régulière, en plaçant pour repère la défense de l’école publique et de la justice sociale.

C’est la raison pour laquelle tous les groupes de la majorité, ce qui n’avait pas été le cas depuis très longtemps, voteront unanimement ce rapport.

Je vous remercie.

Seul le prononcé fait foi


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