Budget 2023 : de l’ambition, face à un État austéritaire

Conseil Municipal du 14 novembre 2022

R-2022-314 et 312 – Rapport sur les orientations budgétaires 2023 et Décision modificative n°3

5 minutes

Intervention de Jacques Vince

Monsieur le Maire, chers collègues,

Au nom de notre groupe je voudrais une fois de plus remercier Jonathan Bocquet et les services de la ville pour le rapport qui nous est soumis.

Comme d’habitude, c’est un document technique, mais il a aussi le mérite de porter un propos politique : le budget bien est un moyen au service d’une fin politique qu’il est nécessaire de rappeler, au-delà d’une longue suite de chiffres et de tableaux.

Et donc, sans vous noyer sous les chiffres, nous souhaitons extraire de ce rapport ce qui nous semble pouvoir constituer des éléments positifs du travail accompli, mais aussi ce qui permet de dessiner la suite du mandat.

Retenons d’abord que la situation financière de la ville reste saine, tout en portant le dynamisme de nos politiques.

Au chapitre fonctionnement, nos recettes comme nos dépenses ont progressé mais restent nettement en dessous de la moyenne des villes de plus de 100 000 habitants.

Après le trou d’air de 2020, notre épargne de gestion et notre épargne brute repartent à la hausse : tant mieux car l’épargne brute nous permet une plus forte capacité d’investissement.

Il nous semble que nous avons pourtant encore quelques marges de manœuvres. Par exemple, la ville aurait dû percevoir la compensation intégrale du versement du forfait alloué aux écoles maternelles privées, dans le cadre de la scolarisation obligatoire des enfants de moins de 3 ans, décidé par le ministre Blanquer en 2019. Sur les 907 000 € qu’on a versés en 2020, seulement 679 000 € ont été perçus. Le surcoût de la scolarisation obligatoire à 3 ans pour la Ville est donc de 228 000 € par an au bénéfice des écoles privées, déjà largement financées par le contribuable pour un montant total qui avoisine les 2,2 M€ cette année. Des écoles privées qui, ici plus qu’ailleurs, accueillent des élèves en situation sociale nettement plus favorisée que la moyenne des villeurbannais : c’est ce que confirme la récente publication de l’indice de position sociale des écoles et des collèges à laquelle a été contrainte l’État. Se conformer à nos obligations réglementaires ne nous empêche pas de pointer cette injustice sociale et scolaire, qui pèse sur nos finances.

Par contre nous pouvons assumer plus facilement d’autres dépenses, non contraintes par l’État :

  • Par exemple celles liées au personnel (62 % des dépenses de fonctionnement) : il était nécessaire de renforcer nos ressources humaines, en créant de nouveaux postes mais aussi en contractualisant. Pour les années à venir il faudra penser à ne pas négliger le recrutement des agent•es de catégories C, indispensables à la réalisation concrète de nos politiques, qui n’ont progressé que de 2 % lorsque les catégories A et B ont progressé de 17 et 15 %.
  • On peut aussi se satisfaire des dépenses liées aux Invites (car 2021 était une année Invites) : il faut l’assumer, et nous tenons à ce que cette manifestation festive, populaire, gratuite puisse poursuivre son rythme biennal.

Au titre des dépenses de fonctionnement, le coût de l’énergie continuera à galoper. Rappelons que le contexte de 2022 ne peut expliquer le véritable racket organisé par les fournisseurs d’énergie qui ont augmenté les prix de façon éhontée, sans que la guerre en Ukraine puisse expliquer ces hausses de 300 % ! Évidemment, ce contexte nous oblige à rénover urgemment nos bâtiments pour limiter la flambée de nos factures énergétiques. On voit bien que fonctionnement et investissement sont fortement imbriqués avec des temporalités différentes.

Au sujet des investissements justement. Ils sont en forte hausse et nous ne pouvons que nous en féliciter au regard des besoins identifiés : dans les domaines scolaires et sportifs évidemment mais aussi pour la restauration scolaire, la petite enfance, la rénovation thermique, l’éclairage public, l’accessibilité, les espaces verts… toutes les transitions que nous portons sont concernées.

De ce point de vue le recours à l’emprunt et un nouvel endettement de 13 M€ en 2021, estimé à 63 M€ pour 2023 sont logiques et mesurés. Notre dette progresse mais notre capacité de désendettement à 1,4 années fin 2021 reste très raisonnable en comparaison de villes de notre strate.

Les projections de dépenses d’investissement concernent tous les quartiers, car le retard accumulé était important. Nous ne pouvons le combler du jour au lendemain et dans certains secteurs, nous sommes sans doute encore en deçà des besoins, particulièrement dans le domaine de la petite enfance, et sans doute dans le domaine scolaire : si nos efforts paient pour valoriser l’enseignement public, la démographie scolaire nous obligera à rattraper les investissements structurels et à anticiper encore davantage… ce qui évitera des écoles provisoires qui ont un coût de revient supérieur à des écoles définitives.

Permettez-moi une petite vigilance liée à nos ambitions. Avec un niveau d’investissement projeté à 78 M€, il conviendra de nous assurer que les ressources humaines suivent. Attention à la surchauffe pour nos équipes, elles sont très sollicitées et très engagées. Nous en profitons pour les remercier, et nous devons rester vigilants collectivement sur leurs charges de travail.

Enfin, ces projections financières se font dans un contexte où l’on sent bien la prégnance des contraintes de l’État, lui-même contraint par les incertitudes sur le plan européen et international.

De ce point de vue, le chapitre du rapport sur le Projet de Loi de Finance 2023 (PLF 2023) est assez éclairant, et fait ressembler le présent rapport à un rapport… de force. Nous serions par exemple contraints de limiter la croissance de nos dépenses réelles de fonctionnement à 3,8 % en 2023, en oubliant la prise en compte de nos recettes. De même, la menace de sortie du DSIL (dispositif de dotation de soutien à l’investissement local) et du fond de transition écologique est une forme d’ingérence (et d’ingérence austéritaire) dans des politiques que nous jugeons nécessaires. Des mécanismes de prise en compte des contextes locaux sont en cours de discussion, mais nous mettons en garde : oui les collectivités peuvent envisager de contribuer à l’effort de réduction du déficit public, reste à décider du niveau de l’effort, qui ne doit pas empêcher les modifications d’ampleur dont nos villes ont besoin pour une transition résiliente et pour développer des services publics de proximité.

L’État devrait plutôt aider les collectivités, à engager des transformations à la hauteur des enjeux climatiques et des politiques de solidarité.

Par exemple, quand le président de notre métropole demande au gouvernement, avec d’autres présidents d’agglomération et de manière transpartisane, un plan d’urgence pour les transports à 9 milliards d’euros, c’est bien pour permettre nos changements durables de modes de déplacement quotidiens et c’est beaucoup plus vertueux que 7,5 milliards pour 30 centimes de réduction du litre de carburant.

Le gouvernement a su reculer sur la suppression de 14 000 places d’hébergement d’urgence, et c’est tant mieux, il a su entendre les parlementaires et les professionnels de l’accueil d’urgence. Qu’il puisse aussi réorienter le PLF 2023 pour une action forte sur la réduction de notre dépendance aux énergies fossiles ! Et ce sera alors peut-être aussi ambitieux que nos propres orientations budgétaires.

Je vous remercie.

Seul le prononcé fait foi.


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