Conseil municipal du 12 février 2024
R 2024-35 Création d’une carte de citoyenneté locale villeurbannaise et approbation de la charte du réseau et d’engagement en faveur de la citoyenneté locale Villeurbannaise
Intervention commune des groupes Socialistes & Citoyen·nes Villeurbannais·es, Les Écologistes, Communiste & Républicain, Cercle Radical et Place Publique portée par Antoine PELCÉ
60 000… c’est le nombre moyen de mots dans les dictionnaires français. Chaque année 200 mots apparaissent et d’autres disparaissent n’en déplaise à Monsieur Kabalo.
La question pour nous n’est pas un débat lexicologique sur le mot « habiteur » mais ce qu’il est et ce qu’il dit de nos politiques publiques.
Il vient d’abord de la Ville elle-même : des femmes, des hommes et des enfants qui vivent ici à Villeurbanne parfois à la rue ou en habitats précaires – traversant la ville dans un sens pour une douche et dans l’autre pour un repas chaud. C’est en partant de leurs usages de la ville que des architectes-chercheurs ont proposé de raconter la ville en partant de leurs habitudes.
C’est très concret, c’est très réel.
Malheureusement, la loi immigration est elle aussi bien concrète et bien réelle dans ses conséquences sur la vie de celles et ceux qui habitent ici.
La décision du Conseil Constitutionnel de censurer tel ou tel vice de procédure ne change rien sur le fond du problème. C’est bien le vote de la loi par la représentation nationale qui abîme profondément le pays.
Ce choix politique de montrer du doigt une catégorie de la population et d’en faire la source de tous nos maux est terrible.
Les enfants à la rue, l’installation durable de bidonvilles dans les interstices de la ville, l’allongement des files d’attente de l’aide alimentaire, la dégradation de l’état de santé de certain·es, le marché de l’emploi non déclaré comme activité de survie… Voilà ce à quoi nous devons faire face concrètement dans la ville en conséquence d’une politique – il faut le dire – largement inspirée des programmes de l’extrême droite.
On aime dire de Villeurbanne qu’elle est la ville des utopies réalisées. Mais ici, on ne parle pas d’utopie, on parle simplement du droit de chacun et de chacune de vivre dignement. On parle simplement d’un droit reconnu par le Conseil d’État, le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’Homme.
Je voudrais pour terminer vous partager la parole de quelqu’un qui sait cela peut-être un peu mieux que moi parce qu’il l’a vécu directement. C’est un passage du livre Manuel d’Exil écrit par Velibor Colic, un écrivain né en Bosnie qui s’est exilé en France en 1992. Il arrive à Rennes avec pour tout bagage 3 mots de français : « Jean, Paul et Sartre » :
Je suis assis sur ce banc public à Rennes. Il pleut de l’eau tiède et bénite sur la ville; Je réalise peu à peu que je suis le réfugié. L’Homme seul sans papiers et sans visage, sans présent et sans avenir. L’Homme au pas lourd et au corps brisé, la fleur du mal, aussi éthéré et dispersé que du pollen. Je n’ai plus de nom, je ne suis plus ni grand ni petit, je ne suis plus fils ou frère. Je suis un chien mouillé d’oubli, dans une longue nuit sans aube, une petite cicatrice sur le visage du monde.
Manuel d’Exil – Velibor Colic
Je vous remercie pour votre attention.
Seul le prononcé fait foi